Couleur : rouge
Consigne : problème d’argent
Son téléphone sonne. Sylvie peste ! Elle roule sur une autoroute et ne peut s’arrêter sur la bande des pneus crevés pour décrocher.
- Si c’est important, on rappellera, se dit-elle…
Elle ne sait pas qu’en cherchant un endroit pour se parquer, elle retarde l’annonce d’une catastrophe…
Elle est à l’arrêt.
- Que me veut-on cette fois-ci, se demande-t-elle ?
La sonnerie du téléphone retenti une fois de plus…
Sylvie décroche. Elle écoute. Surprise, elle a peur de comprendre.
- Madame De Baulieu, ici la police. Votre fils Julien vient d’avoir un accident de moto et a perdu beaucoup de sang. Votre fils semble se trouver dans un état grave, d’après les ambulanciers qui l’ont emmené vers l’hôpital de Vitry-sur-Seine. Malheureusement, il n’était pas porteur de son permis deux-roues, ni de ses papiers d’assurance. Est-il possible de vous rendre incessamment au commissariat de Vitry avec les documents manquants avant de vous rendre au CHU où votre fils est pour le moment en salle d’opération et ne peut être approché avant la fin de l’intervention qui devrait être longue semble-t-il…
Perturbée, Sylvie reprend son volant pour rentrer à Vitry. Après quelques kilomètres, elle se rend compte qu’elle n’a pas encore appelé son mari. En cherchant un nouvel endroit pour s’arrêter et téléphoner, les larmes lui viennent aux yeux et troublent son regard. En roulant, elle pleure…
- Oh ! Mon bébé ! Ce matin, je l’ai senti. Mon cœur, je savais que se serait une journée maudite. Je l’ai bien vu dans mon miroir en le rangeant dans mon sac. Mon tout petit, je savais qu’on n’aurait jamais dû t’offrir cet engin trop rapide. Comme je m’en veux ! Je m’en veux, tu ne sais à quel point…
A peine garée, son GSM sonne au moment où elle allait s’en saisir.
- Chérie où es-tu ? Julien a eu un accident. J’ai été alerté par l’hôpital. Rejoins-moi au CHU de chez nous.
Comme d’habitude, le mari de Sylvie ne s’embarrasse pas de formulation inutile !
- Bon sang de bon sang, qu’est-ce que cette connerie va encore nous coûter ? Bon Dieu, il nous en aura fait voir avec ses foutues mobylettes. Il n’y en n’aura pas eu une qui aura tenu longtemps entre ses mains…
- Est-ce bien le moment des reproches, chéri ? Notre fils a besoin de nous maintenant et c’est la seule chose qui doit compter à présent! On ne sait encore rien de son état. Attendons avant de nous disputer !
- Oui. Excuse-moi. Comme toujours tu as raison. Je me rends compte de la chance que nous avons de t’avoir, Julien et moi. J’arrive à l’hosto, je me gare…
- Je suis encore à quinze kilomètres, je fais au plus vite !
- Prudence tout de même !
Puis, en raccrochant, il culpabilise. Lui aussi a participé à l’achat de cette satanée machine, et en voilà le résultat ! Drôle de cadeau...
Autorisée à voir son fils alité toujours inconscient dans la salle de réveil, Sylvie ne peut s’empêcher de penser à leurs vies. Bien sûr, l’accident est impondérable mais ne se laissent-ils pas phagocyter par leurs activités respectives. Cheffe d’entreprise, ses deux importantes boutiques de fleurs et ses ares de serres occupent la plupart de son temps mais elle a toujours tenté de préserver quelques heures par semaine pour les siens. Son mari a aussi toujours eu à cœur d’être tout de même un peu disponible pour sa famille malgré une profession parfois envahissante.
Sylvie se promet d’en parler avec lui afin que tous deux réaménagent leurs horaires pour se retrouver plus fréquemment autour de leur fils.
Ce support moral fut donc d’un grand secours et Julien a pu retrouver un semblant de vie familiale traditionnelle malgré les difficultés financières car, indépendamment de ses frais médicaux personnels, Julien, majeur mais en défaut de contrat d’assurance, a été condamné aux importants dépens de l’accident !
La promesse fut tenue quelques mois, le temps de la guérison et du rétablissement presque complet de Julien. Sylvie et son conjoint n’ont pu s’empêcher de se laisser à nouveau submerger par leurs affaires et de renvoyer Julien à ses jeux vidéos...
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